- HELLADIQUE (ARCHÉOLOGIE)
- HELLADIQUE (ARCHÉOLOGIE)C’est à la suite des travaux d’Arthur Evans en Crète, au début du XXe siècle, que l’histoire de la Grèce continentale à l’Âge du bronze (IIIe et IIe millénaire av. J.-C.) fut caractérisée par le terme d’Helladique, qui la distinguait de la Crète (domaine minoen) et des Cyclades (domaine cycladique), mais en même temps l’insérait dans un schéma tripartite analogue à ceux de ces régions: Helladique ancien (H.A.), Helladique moyen (H.M.) et Helladique récent (H.R.).Pendant longtemps, la connaissance du monde helladique se réduisit presque au riche matériel «proto-mycénien» découvert dans les tombes du Cercle A de Mycènes et, pour la fin de l’Helladique récent, à l’abondante documentation concernant la civilisation mycénienne proprement dite. Le déchiffrement de l’écriture linéaire B, en 1952, vint en situer la langue aux origines de la langue grecque, cependant que les tablettes révélaient peu à peu une organisation sociale complexe et une économie centralisée.Ce tableau s’est trouvé enrichi, au même moment, par la découverte du Cercle B à Mycènes et par le foisonnement des documents mycéniens. Mais depuis 1955, les recherches ont surtout modifié la vision que l’on avait des périodes antérieures, en révélant l’évolution qui s’opérait à l’Helladique ancien dans le nord-est du Péloponnèse, puis la séparation qui se produisait, à l’Helladique moyen, entre quelques régions dynamiques et une majorité attachée à un mode de vie hérité du Néolithique. Elles ont ainsi permis de mieux comprendre comment on pouvait assister, au début de l’Helladique récent, à une éclosion comme celle qui se manifeste dans les Cercles funéraires de Mycènes.Le domaine helladique, cependant, ne se confond pas avec la Grèce continentale. Outre qu’il ne s’étend que du Péloponnèse à la Thessalie, une région comme l’Attique appartient plutôt, à l’Helladique ancien, au monde cycladique, tandis qu’à l’Helladique moyen des îles comme Égine et même Kéos restent dans l’orbite continentale, et que l’Eubée connaît, selon les périodes, des appartenances diverses. Quant à l’ouest de la Grèce centrale, il n’est guère connu à l’Âge du bronze.1. Des origines à l’Helladique ancien (?-1950 av. J.-C.)La première occupation humaine bien attestée, en Thessalie et surtout en Élide et en Épire, date du Paléolithique moyen (44 000-35 000 B.P.). Au Paléolithique supérieur (26 000-10 000 B.P.), le peuplement s’étend à l’Argolide, probablement aussi au Magne, aux îles Ioniennes et à l’Eubée; dès la fin de la période, la navigation semble connue, puisque l’obsidienne de Mélos apparaît à Franchthi en Argolide. L’époque mésolithique, qui n’est attestée qu’à Franchthi, voit peut-être la naissance des premières pratiques agricoles.La période néolithique, en revanche, est bien documentée, d’abord en Thessalie, où les tells sont nombreux et certains fouillés depuis longtemps, mais aussi en Grèce centrale, en Attique et en Argolide. Dès le début du Néolithique ancien, le mode de vie présente l’ensemble des caractères du Néolithique: construction de maisons «en dur» dans des habitats sédentaires, pratique de l’agriculture et de l’élevage, maîtrise des techniques de la poterie. L’évolution des types céramiques conduit à distinguer le Néolithique moyen, défini par la «culture» dite de Sesklo, mais c’est au Néolithique récent, ou Chalcolithique, qu’apparaissent de véritables innovations, en particulier la pratique de la métallurgie du cuivre, qui vient compléter l’emploi, déjà connu, des métaux natifs.Le début de l’Helladique ancien est marqué par une rupture stratigraphique nette, due à un déplacement de l’habitat et peut-être à l’installation de nouveaux groupes humains. L’Helladique ancien I est caractérisé par la raréfaction des objets décorés et la prédominance d’une céramique rouge lissée, qui porte quelquefois des décors incisés et imprimés analogues à ceux des Cyclades. L’Helladique ancien II, mieux connu, produit une céramique à engobe gris à noir, ou rouge, très brillant, auquel on a donné le nom d’Urfirnis (vernis primitif) et qui porte quelquefois des motifs cycladiques; dans l’est, d’ailleurs, les formes les plus originales sont d’allure nettement cycladique. Sur de nombreux sites, enfin, la phase appelée Helladique ancien III s’ouvre par une nouvelle rupture stratigraphique et présente de telles analogies avec le début de l’Helladique moyen qu’elle doit plutôt lui être rattachée.Toujours installés – sauf en Thessalie et en Macédoine – sur des sites différents de ceux des habitats néolithiques, les villages occupent d’ordinaire de petits promontoires ou de faibles élévations. Mais ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’on éprouve le besoin de les entourer d’une enceinte. C’est ainsi qu’à Lerne un petit groupe de bâtiments, implanté sur une légère éminence, s’abrite derrière un mur d’enceinte double, garni de tours et de bastions, tandis qu’un village s’étend à l’extérieur. Ailleurs, des rues au tracé irrégulier délimitent des ilôts d’habitations plus ou moins parallèles, tous englobés dans l’enceinte là où elle existe.Les procédés de construction sont hérités de l’époque néolithique. Le torchis, dont la diffusion tend à diminuer, n’apparaît qu’en Macédoine, à l’est de l’Axios, et c’est la brique crue qui, désormais, règne sans partage du Péloponnèse à la Macédoine centrale; les premiers décors muraux font leur apparition sur des enduits à Lerne. Beaucoup d’habitations ne comprennent que deux pièces quadrangulaires, habituellement inégales et disposées en enfilade («mégaron»); elles sont courantes de l’Eubée au Péloponnèse. D’autres, répandues de l’Argolide à la Thessalie, présentent une abside semi-circulaire, qui sert de cellier et de cuisine et qui est souvent séparée de la pièce principale par un mur de refend; ces maisons seront beaucoup plus fréquentes encore à l’Helladique moyen. Mais des types plus complexes apparaissent à l’Helladique ancien II. À Lerne, à Kolonna (Égine) et à Akovitika (Messénie), une série de constructions plus soignées et plus vastes, peut-être pourvues de galeries à l’étage, comportent d’étroits couloirs parallèles au mur de pourtour. Cette particularité reste à interpréter, mais la plus vaste d’entre elles, la maison des Tuiles à Lerne, a une position et des dimensions (25 m 憐 12 m) telles que certains y voient un palais avant la lettre.Les pratiques funéraires ne sont guère connues qu’en Attique (Haghios Kosmas) et en Eubée (Manika). La plupart des tombes sont désormais regroupées dans de véritables cimetières, qui peuvent être très importants: celui de Manika pourrait comporter 4 000 tombes; à Thèbes, un tumulus paraît préfigurer ceux que l’on bâtira à l’Helladique moyen. Les tombes en fosse simple sont moins courantes qu’en Attique les tombes maçonnées et les tombes à ciste de type cycladique, ou qu’en Eubée les tombes à chambre trapézoïdales pourvues d’un couloir d’accès. Partout, la règle est l’inhumation et la sépulture individuelle ou multiple; les morts, enterrés avec leurs vêtements, leur parure et de rares objets, ont les jambes repliées et reposent sur le côté. Mais les variations dans l’abondance et la qualité du mobilier funéraire confirment la persistance, au moins, d’inégalités sociales que nous avons bien du mal à cerner.Les bases de la subsistance sont les mêmes qu’au Néolithique. Les plantes cultivées sont le blé, l’orge, les vesces, les pois et les lentilles, et elles fournissent, avec les fruits cueillis, l’essentiel de l’alimentation; la vigne et l’olivier, cependant, commencent à se répandre, surtout en Argolide. L’élevage, de type méditerranéen, est celui du mouton et de la chèvre, accessoirement du bœuf et du porc, tandis qu’un appoint de protéines est fourni par la pêche et la chasse. Mais la nouveauté est ici l’apparition en Argolide (Orchomène et Tirynthe) de vastes greniers circulaires, analogues à ceux d’Égypte et de Mésopotamie, qui témoignent probablement de l’apparition de moyens de stockage collectifs.L’héritage antérieur se perpétue dans le domaine des techniques. L’obsidienne de Mélos est de plus en plus employée, à côté des matériaux locaux, dans une grande partie du Péloponnèse, en Grèce centrale et en Thessalie: les lames, produits essentiels du débitage, sont le plus souvent utilisées telles quelles. Les potiers montent les vases au colombin, les façonnent à la main et les décorent quelquefois par impression; peut-être disposent-ils désormais de fours. Leur production comprend peu de formes originales en dehors des «saucières» et les types cycladiques n’apparaissent qu’à l’est. Les décors, très rares, sont surtout faits de motifs géométriques, incisés et imprimés, analogues à ceux des Cyclades. L’extraction du cuivre est attestée à Haghia Irini (Kéos) et la Grèce centrale possède sans doute des foyers d’activité métallurgique; mais il s’agit toujours d’une production fort modeste, où le cuivre à l’arsenic précède, comme ailleurs, le bronze véritable.Le début de l’emploi des sceaux, enfin, est une marque de la période. Encore peu nombreux et connus surtout par des empreintes, en particulier à Lerne à l’Helladique ancien II, ils servent le plus souvent sur des cachets de terre crue qui scellent des dispositifs de fermeture. Ils constituent certainement un moyen de contrôle économique et leur apparition, coïncidant avec celle des greniers collectifs, paraît présager une mutation dans ce domaine. Pourtant, ces deux innovations resteront sans lendemain en Grèce continentale.2. L’Helladique moyen (1950-1550 av. J.-C.)Comme sur certains sites une destruction plus ou moins complète intervient à la fin de l’Helladique ancien II et que c’est à l’Helladique ancien III, non à l’Helladique moyen I, que se placent les principales innovations – diffusion des maisons à abside, de la céramique minyenne, du tour de potier, réapparition des sépultures dans l’habitat –, on y voit fréquemment l’indice de l’arrivée de nouveaux groupes humains, «Minyens» ou «Proto-Grecs», qui viendraient d’Anatolie. Mais on s’aperçoit aujourd’hui que la rupture n’a pas partout la même netteté, qu’en Grèce centrale les innovations lui sont en fait antérieures, et qu’en Laconie elles ne se manifestent pas même à l’Helladique ancien III.La phase en tout cas est caractérisée par une céramique couverte de lignes incisées, dite «adriatique», et par des céramiques à décor peint lustré en sombre sur clair (nord-est du Péloponnèse) ou en clair sur sombre (Grèce centrale). À l’Helladique moyen I, la céramique «adriatique» se maintient et une nouvelle catégorie d’aspect métallique, le minyen gris, se développe; mais les séries lustrées sont remplacées par de nouvelles séries à peinture mate (ou mattpainted ), d’affinités cycladiques, et par les premières imitations de vases crétois du style de Kamarès. Puis le minyen se diversifie en minyen gris, noir et rouge, et il connaît son apogée au milieu de la période, en même temps que se répand le minyen jaune. La céramique à peinture mate, elle, s’enrichit de motifs curvilignes, puis figuratifs. L’Helladique moyen III, enfin, est marqué par la diversification des types de décors.Si certains sites, dans le nord-est du Péloponnèse, sont abandonnés à la fin de l’Helladique ancien, la plupart, cependant, continuent à être occupés. Bien que leur superficie paraisse augmenter et qu’un mur d’enceinte les entoure parfois (Malthi, Kolonna), il ne s’agit jamais de véritables villes, mais encore de simples villages. La construction en brique prédomine désormais jusqu’en Macédoine et en Thrace. Les habitations, toujours modestes, ne sont jamais comparables aux bâtiments monumentaux de l’Helladique ancien II. Il s’agit le plus souvent de maisons simples, composées d’une à trois pièces; le type absidal, apparu à l’Helladique ancien II, se répand à l’Helladique ancien III et se généralise à l’Helladique moyen, coexistant avec le type rectangulaire jusqu’à la fin de la période et parfois même au-delà.Les pratiques funéraires subissent une modification inattendue. L’inhumation dans l’habitat, qui avait à peu près disparu, reparaît à l’Helladique ancien III et se généralise à l’Helladique moyen: au début, les tombes sont établies au-dessous et autour des maisons; puis elles sont de plus en plus souvent regroupées dans des secteurs particuliers de l’habitat. C’est seulement à l’extrême fin de la période que l’on voit reparaître des cimetières à l’extérieur de l’habitat. Les tombes en fosse sont courantes, mais les tombes à ciste et les tombes maçonnées, bien connues dans les Cyclades, apparaissent sur le continent à côté d’elles.L’usage des tumulus se répand à l’Helladique moyen en Grèce continentale, notamment en Messénie, en Argolide, en Attique et en Phocide. D’un diamètre de 10 à 20 m, ils servent à signaler – ou à isoler – l’emplacement d’une tombe de grandes dimensions (Thèbes, Kéos) ou, plus souvent, celui d’un groupe de tombes (Voïdokilia, Aphidna). On admet volontiers qu’ils sont réservés à des personnages importants, mais rien, dans les données archéologiques, ne permet de le prouver. Le mode de sépulture, dans tous les cas, est l’inhumation, parfois en position allongée. Le mobilier funéraire comprend quelquefois des vases, rarement des bijoux.Le mode de vie ne change guère: l’agriculture et l’élevage en forment toujours les bases, avec les mêmes espèces caractéristiques; la culture de la vigne est bien attestée, celle de l’olivier moins nettement. Le cheval fait son apparition à l’Helladique ancien III. Dans l’ordre des techniques, cependant, la stagnation est peut-être plus apparente que réelle. Le tour de potier apparaît en effet à l’Helladique ancien III et se répand peu à peu en Grèce continentale, où il reste réservé à la poterie fine; la céramique minyenne, elle, témoigne d’une grande maîtrise des procédés de cuisson. Le développement de la métallurgie est attesté par la découverte d’un four à Kolonna (Égine) et par la multiplication des objets en bronze véritable, mais la provenance de l’étain demeure inconnue et le volume total de la production reste limité. Des «marques de potier» apparaissent en Argolide, mais en quantité bien moindre que dans les Cyclades. Les échanges, cependant, semblent réduits, notamment entre le Sud et le Nord; les régions orientales sont en contact avec les Cyclades, et par elles avec la Crète.3. Le début de l’Helladique récent (1550-1450 av. J.-C.)La période «proto-mycénienne», qui s’ouvre par de grandes innovations, mais sans destructions, n’a été connue pendant longtemps qu’à travers les tombes «royales» de Mycènes et leur très riche mobilier. Mais on découvre aujourd’hui, peu à peu, les aspects moins spectaculaires qu’elle a revêtus ailleurs, ainsi que les cheminements qui conduisent ensuite à la civilisation mycénienne proprement dite, sans qu’intervienne – à la différence de ce qui se passe en Crète – aucune phase de destruction.À Mycènes même, les tombes à fosse sont effectivement les seuls vestiges connus pour la période. Elles se répartissent en deux groupes – d’une part, les 24 tombes du Cercle B, fouillées de 1952 à 1954 par I. Papadimitriou et G. Mylonas, les plus anciennes; d’autre part, les 6 tombes du Cercle A, découvertes par Schliemann en 1876, les plus riches – qui faisaient probablement partie d’une même nécropole. Le mobilier comprend de nombreux vases en céramique et en métal, des outils en pierre, des armes de bronze et des éléments de parure en or; les trois tombes les plus récentes du Cercle A contenaient, en particulier, un très grand nombre d’objets en matériaux précieux. En Messénie, d’autre part, une dizaine de tombes à tholos livrent, lorsqu’elles n’ont pas été pillées, un matériel analogue. Il semble donc qu’il se soit produit, pendant la période, un accroissement rapide des richesses matérielles, au moins dans certaines régions et pour certains groupes sociaux.Les quelques habitations que l’on connaît s’inscrivent dans la tradition du «mégaron» rectangulaire apparu à l’Helladique ancien, mais certaines comprennent en outre des pièces secondaires et des magasins; le type en abside a disparu. Beaucoup d’habitats, peu différents par ailleurs de leurs prédécesseurs de l’Helladique moyen, sont entourés d’une enceinte fortifiée.Les tombes en fosse simple et les tombes maçonnées sont toujours courantes, tandis que les cistes le sont moins. On construit encore quelques tumulus, analogues à ceux de l’Helladique moyen. Mais les tombes à fosse, essentiellement attestées à Mycènes, représentent une nouveauté: rectangulaires et de grandes dimensions, elles sont creusées au fond d’une fosse (ou puits) également rectangulaire et leurs parois sont généralement revêtues d’une maçonnerie de moellons ou de briques, sur laquelle reposent une ou deux poutres soutenant une couverture de dalles ou de terre. Une fois la fosse remblayée, l’ensemble peut être surmonté d’une stèle, parfois sculptée comme à Mycènes. La plupart de ces tombes contiennent plusieurs sépultures successives.Il existe aussi dès cette période des tombes rectangulaires construites, de plan et de dimensions variables, ainsi que des tombes à tholos et des tombes à chambre, qui deviendront les types mycéniens par excellence. Aménagées à flanc de colline, ces tombes comportent un couloir d’accès (dromos ), une entrée (stomion ) et une chambre funéraire; mais la chambre simple est taillée dans le roc et de forme variable, tandis que la tholos est une chambre circulaire construite, couverte d’une voûte en encorbellement et coiffée d’un tumulus. Apparues en Messénie, les tombes à tholos se répandent dans le reste du Péloponnèse et en Attique, tandis que les tombes à chambre, un peu plus tardives, ne se diffusent pas en dehors du Péloponnèse. Dans toutes ces tombes, on continue d’enterrer les morts dans des fosses simples ou maçonnées et de les accompagner d’un mobilier qui est simplement plus abondant et plus varié qu’auparavant; mais la présence, à Mycènes, de masques funéraires en or est un trait nouveau, qui d’ailleurs ne survivra pas à la période. En revanche, le retour à la pratique des sépultures successives, la généralisation de la position allongée, l’emploi du cercueil de bois, la présence de lampes et de balances votives dans le mobilier, témoignent probablement de changements durables dans les mentalités.Tandis que la polyculture méditerranéenne – olivier, vigne, céréales – apparaît enfin sur le continent, les techniques, l’artisanat et l’art connaissent un développement remarquable, dont témoigne le mobilier des tombes de Mycènes et de Messénie. Stèles et masques funéraires attestent le développement des arts du relief, mais restent des manifestations isolées. La céramique, relativement homogène en Grèce méridionale, porte des motifs d’inspiration minoenne. L’outillage ne subit guère de changements, mais l’armement fait d’importants progrès et les armes d’apparat, richement décorées, voisinent avec les types fonctionnels: le poignard tend à s’allonger et l’on voit apparaître l’épée, la lance, le casque à dents de sanglier, le bouclier et le char de combat. L’essor de la métallurgie se manifeste aussi par l’apparition de techniques comme le placage et l’incrustation, mais surtout par celle de vases en métal; l’influence crétoise est ici nette dans les formes et plus encore dans les décors: fameux sont les gobelets en or de Vaphio (capture des taureaux sauvages), la tasse aux poulpes de Dendra et le rhyton en argent de Mycènes (scène de siège).Dans le domaine de la parure, on voit se répandre les techniques du filigrane, de la granulation et de l’incrustation; l’or est employé pour des ornements variés qu’on coud sur des vêtements. Les bagues en or à chaton gravé, les intailles et les gemmes qui apparaissent alors témoignent de l’essor de la glyptique. Les thèmes en sont continentaux, mais l’inspiration, sinon l’exécution, paraît souvent minoenne. Mais aucun indice ne permet de supposer que ces objets ont aussi, comme en Crète, une fonction utilitaire. Quelques vases en pierre – dont la fameuse tasse en cristal de roche du Cercle B, décorée d’une tête de canard (cf. monde ÉGÉEN, pl. III) –, des objets en faïence, en verre et en ivoire attestent à la fois l’existence de contacts extérieurs et la constitution d’un répertoire original, qui se transmettra à la période suivante.Il serait certainement excessif de conclure, sur ces bases, à l’apparition de centres de pouvoir préfigurant les royaumes mycéniens. Mais il est fort probable que l’accroissement des richesses matérielles correspond à l’avènement d’une «aristocratie guerrière», dont on ne connaît ni l’origine ni la langue. La religion est également mal connue. Le répertoire iconographique comprend de nombreux motifs d’inspiration minoenne, que l’on considère comme religieux lorsqu’on les trouve en Crète, mais on ne peut affirmer qu’en passant sur le continent ils aient gardé la même valeur. On connaît toutefois sur le mont Kynortion, près d’Épidaure, un lieu de culte plus ou moins analogue aux sanctuaires de sommet crétois.Les contacts et les échanges ne sont actifs que dans un rayon limité. La Crète n’a peut-être pas joué dans l’éveil du continent le rôle direct qu’on lui prête souvent, mais la prospérité de certaines élites continentales a pu les pousser à se procurer des objets crétois et donc à renforcer le rôle artistique – mais celui-là seul – de la Crète, sans qu’on puisse affirmer que des artisans minoens aient été présents sur le continent. La présence d’ambre balte atteste sûrement l’existence d’un courant d’échanges, sans qu’on puisse en préciser les modalités. Sans doute des métaux tels que l’étain, le cuivre et l’or (le plomb et l’argent proviennent du Laurion) doivent-ils être importés, mais leur origine demeure inconnue.4. La fin de l’Helladique récent: la période mycénienne (1450-1050 av. J.-C)Les transformations qui ont marqué le monde helladique trouvent leur aboutissement dans la dernière période de l’Âge du bronze avec l’apogée de la civilisation mycénienne proprement dite. Le Péloponnèse et la Grèce centrale en sont les principaux foyers, et les palais de Mycènes, Tirynthe et Pylos sont le siège de «royautés» qui exercent un contrôle administratif sur l’économie de toute une région. Le grec est la langue de l’administration, et les tablettes inscrites en écriture linéaire B permettent d’entrevoir le système de comptabilité et d’archivage qui en est l’instrument. Après une phase d’expansion, le système palatial s’effondre, mais la civilisation mycénienne elle-même ne disparaît que plus tard, peut-être sous les coups d’envahisseurs tels que les Doriens.
Encyclopédie Universelle. 2012.